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Jeux Olympiques : quand la musique entre en lice

Image représentant une fresque grecque d'olympiade.
Fresque grecque représentant des olympiades.

En cet an de grâce 2024, il n’aura échappé à personne que Paris s’apprête à accueillir en juillet prochain les Jeux Olympiques. A cette occasion, alors que la planète tout entière tourne des regards envieux vers la capitale française, le Théâtre des Champs-Elysées a décidé d’apporter lui aussi sa pierre à l’édifice de cette noble manifestation en programmant L’Olimpiade de Vivaldi. L’occasion rêvée de courir chercher dans l’Histoire de la musique si l’olympisme et le sport en général avaient inspiré compositeurs et librettistes en mal de médailles...

Edition de 1762 des Fêtes Grecques et Romaines
Les Fêtes Grecques et Romaines, édition de 1762 | BnF

 

Un pour tous, tous pour un

Créées à Paris en 1723, Les Fêtes grecques et romaines sont le seul et unique ouvrage lyrique français abordant le thème du sport. François Colin de Blamont (1690-1760), s’inspirant du livret de Louis Fuzelier (à qui l’on doit aussi celui des Indes galantes) fait ainsi revivre dans la première entrée de son opéra-ballet, Les Jeux Olympiques, la grande tradition des Jeux de l’Antiquité. Mais il fait figure de pâle compétiteur au regard de la médaille d’or incontestée qu’incarne Pietro Metastatio, dont l’argument théâtral L’Olimpiade, écrit en 1733 pour un séjour estival de la cour de Vienne au domaine de La Favorita, a inspiré près de quatre-vingt compositeurs entre 1733 et... 1817 !  Le livret, à la fois modérément tragique, suffisamment souple dans son déroulement, et assurant une excellente trame sentimentale permettant un luxe de quiproquos, revirements et autres embrouillaminis, s’attira notamment les grâces de Vivaldi, dont L’Olimpiade, créée le 17 février 1734 à Venise au Teatro Sant’Angelo, connut un succès retentissant. D’autres prirent la relève ; on peut notamment citer ex æquo Antonio Caldara, Giovanni Battista Pergolesi, Leonardo Leo, Johann Adolf Hasse, Niccolò Jommelli, Tommaso Traetta, ou encore Josef Mysliveček et Gaetano Donizetti (ouvrage malheureusement incomplet).

Photo représentant des ruines du stade d'Olympie
Ruines du Stade d'Olympie | DR

 

Retour aux sources

Avec la version moderne des Jeux Olympiques initiée par le Baron Pierre de Coubertin, on peut relever l’apparition d’un nouveau genre musical : celui de l’hymne olympique. En 1896, Spyros Samáras, un élève grec de Massenet compose une « cantate chorale » sur un texte de Kostís Palamás. Jouée dans le stade olympique d’Athènes par un orchestre demésuré et 250 choristes, son exécution eut un succès fou... mais resta dans l’ombre jusqu’en 1960 où elle devint l’hymne officiel de la manifestation, dans toutes les langues possibles.

En 1913, Nijinski, en même temps qu’il compose la chorégraphie du Sacre du printemps, prépare celle de Jeux, une œuvre de Debussy présentée le 15 mai pour ouvrir la saison des Ballets russes au Théâtre des Champs-Elysées. L’argument écrit par Nijinksi se veut  une « apologie plastique de l’homme de 1913 », et les mouvements des danseurs sont inspirés du tennis, du golf et de la danse académique.

Affiche des Olympiades culturelles de 1924
Affiche des Olympiades culturelles au Théâtre des Champs-Elysées en 1924

 

Pour Coubertin cependant, le sport ne suffit pas pour retrouver les valeurs olympiques de la Grèce antique : l’olympien idéal se doit aussi d’être cultivé, habile en littérature et en musique. Ainsi, pendant plus de quatre décennies, des médailles sont décernées pour cinq catégories artistiques : peinture, sculpture, architecture, littérature et musique. De 1912 à 1948, 151 médailles récompensent ainsi des œuvres originales inspirées par le thème du sport, dont 17 sont décernées à des musiciens. Signalons que l’Olympiade musicale de 1924 eut lieu... ici-même, avec un certain Gabriel Astruc en habit de vice-président... 

Première page de l'édition de Rugby d'Arthur Honegger
Rugby | Editions Maurice Senart, 1928

 

Composer le sport

En 1928, Arthur Honegger (qui a pratiqué dans ses jeunes années le football, le tennis et la natataion) compose Rugby, véritable ode à l’exploit physique, dans laquelle le compositeur souhaite magnifier la beauté de ce sport, et « à exprimer, dans ma langue de musicien, les attaques et les ripostes du jeu, le rythme et la couleur d’un match au stade de Colombes. »

En 1936, Richard Strauss, lui qui « hait et méprise les sports » consent de mauvaise grâce (mais 10 000 Deutschmarks viendront à bout de sa répugnance), à livrer trois minutes et demie d’une œuvre sobrement intitulée Olympische Hymne qu’il dirige lui-même dans un stade de Berlin flambant neuf. Après les Jeux de 1948, il est décidé que les concours d’art ne font plus partie des Jeux Olympiques, car les concurrents artistiques sont principalement des artistes professionnels, ce qui contrevient à l’esprit même de la compétition qui prône un amateurisme absolu. Les épreuves artistiques sont remplacées par une exposition hors-compétition nommée Olympiade culturelle... remise au goût du jour pour cette édition 2024 !

John Williams à la tête de l'Orchestre Symphonique d'Atlanta durant les cérémonies d'ouverture des Jeux Olympiques de 1996.

 

Droit au but !

Plus près de nous, John Williams a servi l’esprit olympique à quatre reprises : d’abord avec Olympic Fanfare and Theme pour les Jeux de 1984 à Los Angeles, puis The Olympic Spirit quatre ans plus tard pour accompagner la couverture médiatique des Jeux de Séoul, avant Summon The Heroes pour Atlanta en 1996 (dont le Comité d’organisation commandera également Javelin à Michel Torke) et Call of the Champions à Salt Lake City en 2002. 

Photo de Mark-Anthony Turnage
Mark-Anthony Turnage (né en 1960) | DR

 

Mark-Anthony Turnage, l’enfant terrible de la composition contemporaine britannique, est depuis l’enfance un fan inconditionnel du club de football d’Arsenal. Le protagoniste de son premier opéra, Greek (1988) est un hooligan. L’histoire du second, The Silver Tassie, est celle d’un joueur de football qui part au front durant la première guerre mondiale. Ainsi, quand le Barbican Centre de Londres lui commande un pièce destinée à illustrer en live des extraits du match icônique qui opposa Arsenal à Liverpool en 1989 (et qui vit Arsenal sacré champion d’Angleterre en s’imposant 2 à 0), le compositeur adhère instantanément au projet ! Up for Grabs est créée le 5 novembre 2021 par le BBC Symphony Orchestra dirigé par Ryan Bancroft, en compagnie d’un trio de stars du jazz : John Parricelli à la guitare, Peter Esrkine à la batterie et Laurence Cottle à la guitare basse. L’œuvre est dédiée à la mémoire du grand joueur d’Arsenal David Rocastle, décédé à 34 ans d’un cancer.

Enfin, le 1er juillet prochain, un millier de choristes amateurs dirigés par Fayçal Karoui descendront dans l’arène de l’Opéra Bastille, pour y intepréter Crowd Out, une œuvre de David Lang créée à Birmingham en 2014, une partition composée en souvenir... d’un match de football.

Fort heureusement, il n’y a pas que le ballon rond dans la vie... et pour l’heure Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus, en compagnie du metteur en scène Emmanuel Daumas, ont choisi un retour aux fondamentaux (ou pas) avec épreuves dans tous les compartiments du jeu, défis sportifs, challenges amoureux, tournois de sentiments, acrobaties vocales, endurance musicale et enchaînements scéniques, avec Vivaldi en entraîneur aguerri : de quoi donner à chacun l’envie de se surpasser !

  L’Olimpiade  - Antonio Vivaldi
20 au 29 juin 2024