Bronfman, de Disney à Carnegie Hall
Yefim Bronfman est un pianiste unique – et cela pas uniquement pour son parcours géographique, de son Ouzbékistan natal jusqu’en Israël et aux Etats-Unis. Il est aussi l’un des plus grands pianistes actuels, mis à l’honneur jusque dans la culture pop et en même temps un musicien discret, qui rêve de jouer ses récitals derrière un rideau pour faire passer la musique avant l’interprète.
Bronfman chez Disney
Alors qu’il est invité à se produire sur les plus grandes scènes du monde, beaucoup de jeunes mélomanes ont découvert Bronfman devant leurs postes de télévision. C’est lui, le pianiste aux gros doigts qui ne fait pas une seule fausse note dans Fantasia 2000 ! C’est lui aussi que l’on aperçoit brièvement lors du « Soldat de Plomb » où il joue le très expressif premier mouvement du concerto pour piano n°2 de Chostakovitch avec le Chicago Symphony Orchestra (on le voit s’installer et pianoter les premières notes de l’œuvre).
On peut se délecter des multiples facettes du jeu de l’interprète dans ce concerto, si expressif et si varié.
Bronfman dans la littérature
« Ensuite apparaît Bronfman. Bronfman le brontosaure ! (…) Yefim Bronfman ressemble moins à celui qui fera du piano qu’à celui qui devra le déménager. Auparavant, je n’avais jamais vu quelqu’un s’en prendre au piano tel ce robuste baril de Juif Russe mal rasé. Quand il a fini, j’ai pensé, ils devront jeter le piano. Il l’écrase. Il ne laisse pas le piano dissimuler quoi que ce soit. Quoi qui se trouve à l’intérieur devra en sortir, et en sortira les mains en l’air. (…) D’une onde désinvolte, il n’est soudain plus là, et bien qu’il emporte avec lui tout son feu avec autant de fougue que Prométhée, nos propres vies nous semblent à présent inextinguibles. Personne ne meurt, personne – pas si Bronfman en décide autrement. »
Bronfman, le pianiste qui inspire la presse
Bronfman, un jeu de dupes avec les critiques
Il est arrivé au pianiste de ne pas faire l’unanimité. En 1992, le journal anglais Gramophone publie une critique de son enregistrement du concerto n°3 pour piano de Rachmaninov, rédigée par un critique musical de renom, Bryce Morrison. Celui-ci se dit fortement déçu, et trouve que « le pianiste joue à un voltage trop peu élevé », et qu’ « il lui manque l’angoisse et l’urgence qui fit aimer Rachmaninov par des millions de gens ».
Or quinze ans plus tard, ce même Morrison publie une critique sur un enregistrement du même concerto par la pianiste Joyce Hatto, sans savoir qu’il s’agissait en fait de l’exacte même version, celle de Bronfman qu’il n’avait pas aimée. Et Morrison loue l’interprétation, proclamant qu’il s’agit d’une des meilleures qui soient enregistrées, « tout y est plein de vie et de fraîcheur », le jeu de la pianiste (qui est donc le jeu, en réalité, de Bronfman) est « plein de clarté et d’audace, et étonnera même les oreilles les plus connaisseuses ».
On se pose la question : comment le mauvais disque a-t-il pu passer entre les mains de Morrison ?
Il s’agirait en fait du mari de Joyce Hatto, William Barrington-Coupe, qui aurait remplacé tous les enregistrements faits par sa femme dans les années 1990 par ceux d’autres interprètes. Plus d’une centaine de CD auraient été usurpés ! La supercherie a mis plus de 15 ans à être mise en lumière, il a fallu que de grands spécialistes entendent l’interprétation des musiciens qu’ils connaissaient absolument par cœur, puis que des ingénieurs du son comparent les enregistrements pour affirmer qu’il s’agissait en effet d’identiques.
William Barrington-Coupe a affirmé que sa femme n’en savait rien, et qu’il avait entièrement agi par amour. Il s’agit de l’une des plus spectaculaires affaires de piratage de l’histoire de l’industrie du disque !
Bronfman et vous ?
Si vous n’avez pas eu la chance de voir le virtuose lors d’un de ses rares passages au Théâtre des Champs-Elysées au fil des années, aussi bien en concerto (avec les Wiener Philharmoniker en 2018) qu’en récital (avec Schlomo Mintz, Isaac Stern), ou même accompagnateur d’Olga Borodina, ne manquez pas son prochain passage le 21 septembre 2023 avec le Bayerisches Staatsorchester !