4 histoires sur Antoine Bourdelle
Parmi tous les artistes qui ont collaboré à la création du Théâtre des Champs-Elysées, Antoine Bourdelle est le seul à avoir laissé sa marque et à l’extérieur, et à l’intérieur du théâtre, utilisant ses deux talents : la sculpture et la peinture. Portrait !
Héraklès archer
Né en 1861 à Montauban, Emile-Antoine Bourdelle est un élève médiocre dans les matières « scolaires ». Il est en revanche extrêmement doué pour le dessin. Son maître va comprendre cette prédisposition et lui installe un espace dans un vestibule pour qu’il puisse exprimer son talent à son aise. Ironie de l’histoire, son « Héraklès archer » ornera les couvertures de génération d’écoliers !
Inspirations : Nature, Danse et Moyen-Age
Grâce à une bourse, il intègre les beaux-arts de Toulouse puis sera reçu 2nd aux Beaux-Arts à Paris en 1884. Il a une cinquantaine d’années quand il est appelé par Gabriel Thomas sur le projet du Théâtre des Champs-Elysées. Ce sera l’occasion de réaliser ses théories plastiques, fruit du travail et des réflexions nourries des maîtres anciens romans et gothiques : « il faut que le mur semble s’émouvoir en figure humaine ».
Grand admirateur de Viollet-Leduc et du bestiaire moyenâgeux, Bourdelle se souviendra toujours des escapades dans la campagne avec son grand-oncle, berger, et saura rendre l’expressivité des animaux comme en témoigne la fresque « Artémis » au TCE et le projet de monument à Claude Debussy « Chèvres et Faunes ».
En 1909, Bourdelle découvre la danseuse Isadora Duncan, au théâtre du Châtelet où elle interprétait l’Iphigénie de Gluck. Comme elle, Bourdelle prône le retour à la nature. Comme elle, il est convaincu que les œuvres de l’Antiquité en favorisent l’accès. Grâce à Isadora Duncan il a su les reconnaître. Il la fera apparaitre à neuf reprises dans la frise qui couronne le théâtre, dans des poses différentes, il lui adjoindra Nijinsky sur les deux métopes au-dessus des portes d’accès de la comédie. Ainsi seront réunis les deux chorégraphes qui ont révolutionné la danse.
De Rodin à Giacometti
Bourdelle sera praticien de Rodin pendant plusieurs années. En 1908, il quittera son atelier afin de pourvoir exprimer sa personnalité artistique et concevoir ses œuvres « en architecte » : le premier des arts, selon lui.
Bourdelle est un excellent pédagogue. Il créera l’école pour l’enseignement libre de la sculpture. Il condamnait la discipline que l’enseignement académique imposait aux artistes en devenir, et considérait qu’il était nécessaire de « casser tous les vieux moules de l’enseignement ».
Il recevra des élèves venus du monde entier. Les femmes sont les bienvenues, ce qui n’est pas si courant à l’époque. Germaine Richier et Alberto Giacometti passeront par son atelier.
Et aussi celle qui deviendra sa deuxième épouse : Cléopâtre Sevastos, une artiste venue d’Athènes, dont la beauté archaïque inspirera deux bronzes « Femme sculpteur au travail » et « Femme au compas » . Cléôpatre est aussi représentée sur la fresque en bandeau côté jardin.
L’Atrium
La première impression pour le visiteur est la symétrie qui règne dans cet espace, les plafonds composés en caissons répondent au dallage de marbre blanc, les deux escaliers symétriques mènent à la galerie où l’on trouve les fresques de Bourdelle « enchâssées » dans l’architecture des 16 colonnes et 8 poteaux qui délimitent l’espace.
Mettre en valeur l’Architecture avant le décor, inverser l’esthétique rencontrée habituellement dans les théâtres, explique peut-être les violentes critiques qui se sont déchaînées à l’époque taxant le hall de froideur et de nudité et l’ensemble de « germanique ».
Les fresques de l’Atrium
Pour la réalisation des 8 grandes fresques qui entourent la galerie du 1er étage, Bourdelle va apprendre d’un maître-fresquiste la technique de la fresque et du mortier frais, Auguste Perret va faire livrer 8 panneaux de béton dans l’atelier de l’avenue de Maine -l’actuel musée Bourdelle- le tout sera réalisé en un temps record.
Bourdelle, pétrit de culture classique choisit les grands thèmes mythologiques qu’il aime tant tout en laissant libre cours à son imagination pour revisiter thèmes et personnages.
Il appelle cette série « les thèmes éternels » : On y trouve Eros et Psyché, Léda emportée par le cygne, la chute d’Icare et dans l’espace du foyer Gaïa la mère des dieux, puis « le poète monté sur Pégase apporte la lyre à l’homme » et « «la mort du dernier Centaure » thème maintes fois repris par Bourdelle.
La sibylle de Delphes qui donne les oracles n’est autre qu’un dessin « recyclé » d’Isadora Duncan adossée au rideau de scène au Châtelet, si on s’approche on voit nettement les plis du rideau.
Incontournable d’un salle lyrique, et premier opéra connu sous cette forme, d’Orphée et Eurydice (que l’on rencontrera encore 2 fois dans les peintures de Maurice Denis ) et enfin Artémis entourée d’animaux très expressifs.
Dans la galerie, la série est appelée « les temps fabuleux ». L’on y croise des personnages mythologiques, mais aussi Bourdelle lui-même représenté en faune, ainsi que ses deux épouses et ses enfants.
Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir les secrets qui se cachent derrière le lustre du TCE !