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Le violoncelle dans tous ses états (I)

« Dieu créa le monde en six jours. Le septième jour, il se reposa et joua du violoncelle. » Le Grand Week-end violoncelle en février 2020 nous donne l’occasion d’explorer, au-delà de la boutade, l’histoire de cet instrument fascinant.

« Le Roi », plus ancien violoncelle au monde, construit par Andrea Amadi au XVIe siècle – DR

Depuis son apparition à la fin du XVIe siècle, le violoncelle est sans doute l’un des instruments à cordes les plus fascinants qui soient. Il séduit, dérange, émeut, effraie parfois aussi. Pour beaucoup, son velouté sonore sans pareil en fait un véritable double de la voix humaine. Il est aussi la base (la basse !) qui construit l’architecture sonore de nombreuses formations comme le quatuor à cordes ou l’orchestre symphonique. Qui peut rester de marbre à l’écoute d’un pupitre entier de violoncelles déroulant une longue phrase de Brahms ? Sans compter toutes les personnalités qui ont traversé le siècle, de Pablo Casals à Pierre Fournier, de Maurice Gendron à Paul Tortelier, de Jacqueline Du Pré à Anner Bylsma, de Wieland Kuijken à Jordi Savall, sans oublier le plus connu d’entre eux, Mstislav Rostropovitch.

C’est à une exploration subjective et éclectique que nous vous convions en compagnie de la jeune garde du violoncelle : cinq concerts en trois jours pour découvrir ou redécouvrir la littérature pour violoncelle dans sa version chambriste, la plus intimiste, mais également la plus exigeante pour les interprètes. Petit tour d’horizon en trois épisodes des réjouissances à venir.

I. LA RICHESSE DES PIONNIERS

Bach, monarque incontesté

Manuscrit du Prélude de la Suite n° 5 pour violoncelle seul en do mineur BWV 1011

Quand on pense au violoncelle, le réflexe pavlovien commun veut que Bach vienne imméditament à l’esprit, lui qui fut l’un des premiers à explorer toutes les richesses et les couleurs de l’instrument dans ses Six Suites pour violoncelle seul, qui font partie aujourd’hui encore de l’Everest quotidien de tout violoncelliste qui se respecte… et de la vie de tout un chacun, puisque le Prélude de la Suite n° 1 BWV 1007 est en fond sonore de bien des publicités (hélas ?). Et que les Suites, sous les doigts militants de Rostropovitch, firent chuter à leur manière le mur de Berlin, le 9 novembre 1989. La suite n° 5 (samedi 22/02, 20h) possède une particularité étonnante : elle requiert d’accorder le violoncelle scordatura : les quatre cordes « à vide » du violoncelle, qui sont do, sol, ré, sol, sont accordées en do, sol, ré, LA, ce qui confère un timbre particulier à l’instrument, le sol aigu faisant vibrer le sol et le do graves, offrant ainsi une résonance parfaite pour la tonalité de do mineur de cette suite. 

Beethoven le précurseur

Beethoven vers 1800 – Portrait de Carl Traugott Riedel, 1801 – DR

Beethoven, lui, au regard de son impressionnant corpus pour piano (5 concertos, 32 sonates) ou pour quatuor (au nombre de 17), a relativement peu composé pour le violoncelle, mais les cinq sonates et les trois cycles de variations qu’il a destinés à cet instrument illustrent parfaitement le rôle qu’il a joué dans l’évolution de la place du violoncelle, au moment même où celui-ci s’émancipe de sa fonction de continuo. Ces pièces explorent comme aucun compositeur avant lui les possibilités expressives de l’instrument, multipliant les audaces, abordant des univers d’une beauté presque immatérielle, inaugurant ainsi l’ère de la sonate romantique. Ecrites en trois temps distincts, ces pages, relativement méconnues, brossent un très large portrait du compositeur lui-même. Nous entendrons ainsi la Sonate n° 1 (vendredi 21/02, 20h) composée à Vienne par un musicien de 26 ans à l’intention du violoncelliste Jean-Pierre Duport, professeur du roi Frédéric Guillaume II, rencontré au cours d’une tournée à Berlin, qui exploite toute l’étendue du registre instrumental ; puis la Sonate n° 4 (dimanche 23/02, 18h), moins connue, composée en 1815 alors que Beethoven est déjà malade et en proie à de nombreuses difficultés.

Nous pourrons également entendre la célèbre sonate « A Kreutzer » (du nom du violoniste dédicataire… qui ne la jouera du reste jamais en public, la trouvant « inintelligible » !), dans la transcription pour violoncelle qu’en fit Carl Czerny (élève du compositeur) en 1856, conservant intactes fougue et poésie de l’original (samedi 22/02, 20h).

Le modèle incontournable

Mozart fait aussi partie du Panthéon artistique de Beethoven, puisqu’il le surnommait « dieu immortel de l’harmonie ». Il chérit en particulier La Flûte enchantée, tant pour la richesse et l’inventivité de son écriture que pour sa dimension initiatique et morale. Un an après ses Variations pour violoncelle et piano WoO 45, Beethoven remet sur le métier une autre série de douze variations pour le même effectif (samedi 22/02, 17h), dont le thème repose sur l’air « Ein Mädchen oder Weibchen » chanté par Papageno à l’Acte II. L’oiseleur y exprime son désir de trouver une compagne pour vivre heureux : il en mourra s’il ne la rencontre pas, et retrouvera appétit et santé si son rêve est exaucé. Voilà un thème idéal pour Beethoven, éternel amoureux transi, qu’il varie avec une grande habileté et présente constamment sous de nouveaux angles.

à suivre la semaine prochaine…