La vraie histoire des Carmélites de Compiègne
L’opéra de Francis Poulenc, Dialogues des Carmélites, est basé sur le livret de Georges Bernanos, sur une nouvelle de Gertrud von le Fort, elle-même inspirée de la véritable histoire des Carmélites de Compiègne. Mais que s’est-il donc réellement passé en juillet 1794, où se déroule le finale de l’opéra ?
Qu’est-ce qu’une Carmélite ?
L’Ordre du Carmel est un ordre religieux catholique, fondé à la fin du XIIe siècle par des ermites du Mont Carmel. Au sein de cet ordre, on trouve les Carmes (hommes), les Carmélites (femmes) ainsi qu’une branche laïque (le Tiers-Ordre carmélite) créée ultérieurement.
La vie au Carmel comprend trois grandes activités : la prière, le travail et la vie commune, le sommeil.
Les Carmélites pendant la Terreur : à la source de l’opéra de Poulenc
En 1792, lors de la Terreur, 16 religieuses carmélites de Compiègne font le vœu de donner leur vie pour « apaiser la colère de Dieu, et que cette divine paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l’Eglise et à l’Etat ».
Tous les matins jusqu’à leur mort, elles referont la consécration : ensemble dans un premier temps, puis dans différents groupes lorsqu’elles sont expulsées du couvent le 14 septembre 1792, hébergées par plusieurs familles de Compiègne.
Elles continuent de travailler, de prier, et parviennent même à aller à la messe de Saint Antoine de Compiègne, en passant par la porte latérale de l’église. Elles restent paisibles, et communautaires.
A l’automne 1793, dans le cadre de l’action de déchristianisation menée par les agents de la Convention, et relayée par les autorités locales, le culte catholique devient quasiment impossible, à Compiègne comme dans le reste de la France.
Arrestation des Carmélites de Compiègne : retrouvailles
Un ordre de perquisition est signé le 21 juin 1794, soit exactement 163 ans avant la première des Dialogues de Carmélites à l’Opéra de Paris le 21 juin 1947. Dans les deux jours qui suivent, les 16 Carmélites sont incarcérées à l’ancien couvent de la visitation, transformé en prison.
La Terreur atteint son comble. L’attachement à la religion est alors amalgamé avec le fanatisme, le plus grand crime aux yeux du Tribunal Révolutionnaire à l’époque. Tous les ordres religieux sont touchés : plusieurs Filles de Charité sont exécutées, puis 32 religieuses et 30 prêtres seront guillotinés. D’autres seront publiquement fouettés.
Le 12 juillet, les 16 Carmélites sont transférées de Compiègne à la Conciergerie de Paris. Leur jugement a lieu 5 jours plus tard. Elles revêtent leurs robes blanches, et arrivent à la Conciergerie de Paris en tenue. Leur arrestation leur permet justement de se retrouver. Elles reprennent leur règle de vie, et chantent leurs offices en prison.
Le 16 juillet, elles célèbrent même la fête de Notre Dame du Mont-Carmel, avec enthousiasme ! Un co-détenu dira : « Ce jour, veille de leur mort, paraissait être un grand jour de fête. »
Les Carmélites de Compiègne : l’exécution à Paris
Les 16 Carmélites sont condamnées à mort le 17 juillet 1794 et exécutées le jour même à la barrière de Vincennes, sur la place du Trône renversé, actuelle place de la Nation.
En marchant vers l’échafaud, elles chantent : Miserere, Salve Regina, Te Deum. Elles renouvellent leur vœu une ultime fois avec Veni Creator.
La première sœur exécutée, Sœur Constance de Jésus, la plus jeune des Carmélites, chante Laudate Dominum. Suivent les 15 autres, dont la dernière fut la mère supérieure.
Leurs chants bouleversent la foule, venue assister en silence à l’exécution.
Epilogue
La Terreur prend fin onze jours plus tard, le 28 juillet 1794, avec l’exécution de Robespierre et de ses compagnons. Certains y virent un signe divin, une réponse à la prière et au sacrifice des Carmélites.
Le 27 mai 1906, elles furent béatifiées par le pape Pie X, alors qu’à nouveau les biens de l’Eglise sont saisis par l’Etat. Leur fête est célébrée le 17 juillet.