Il y a 30 ans : Cecilia Bartoli...
Il y a trente ans, le 27 septembre 1993, Cecilia Bartoli donnait son premier grand récital parisien avenue Montaigne. Quelques chanceux l’avaient déjà furtivement entendue sur cette même scène dès décembre 1988 où elle faisait partie du quatuor de solistes choisi par Daniel Barenboïm pour le Requiem de Mozart, ou en 1991 en Chérubin lors de son unique apparition à l’Opéra de Paris. Mais c’est bien en ce début d’automne 1993 que le phénomène Bartoli allait prendre son envol.
Des programmes de récital comme nuls autres
Depuis donc trois décennies, elle offre au public de l’avenue Montaigne des programmes-concept alliant découvertes et brio où elle fait briller les grands noms de la musique ancienne, des plus connus (Haendel, Pergolèse…) à ceux en découverte (Vivaldi) ou encore complétement méconnus (Caccini, Caldara, Salieri, Porpora, Leo, Vinci, Cesti…). Outre ces perles qu’elle offre avec gourmandise et une technique sans faille la faisant passer de la tendresse la plus bouleversante à de la pure pyrotechnie (le souvenir de Rossini…), c’est sans doute sa personnalité rayonnante et sa flamboyante générosité qui ne la font ressembler à aucune autre. Au fil des saisons, elle brille dans le bel canto et Rossini, enflamme Vivaldi ou fait renaître l’art de castrats. Mais elle n’est pas qu’une voix, bien que la sienne soit unique. C’est aussi une artiste qui aime chercher, fouiller, trouver, exhumer, documenter…. Dès son premier récital de septembre 1993, elle propose des rares pièces de Caccini, Cesti, Caldara… Et déjà Vivaldi. En 1996, elle se consacre à Bach avant de revenir à Vivaldi et Rossini l’année suivante. En 1999, elle chante son premier opéra en version de concert ici, Rinaldo. En 2002, elle présente les héroïnes de Gluck, celles méconnues en italien, suivi d’un inattendu récital Salieri avec son programme Opera proibita, cette musique de la Rome ecclésiastique folle de chant mais où les femmes ne devaient paraître. Puis, du bel Canto, avant d'ambitieux et magnifiques hommages à la Malibran puis aux castrats « sacrifiés ».
Du chant gorgé de théâtre !
Elle avait expérimenté un certain nombre d’ouvrages à la scène et encore plus dans les studios d’enregistrement. Depuis une Manon Lescaut de jeunesse aux côtés de Mirella Freni et Luciano Pavarotti (incroyable rencontre inter générations), des Rossini explosifs avec notamment Riccardo Chailly et Jean-Christophe Spinosi (Cenerentola, sans doute l’un de ses rôles préférés, Turco, Barbier, le Conte Ory), les Mozart de jeunesse qu’Harnoncourt lui apprendra à apprivoiser, jusqu’aux Haendel de la maturité (Alcina, Rinaldo, Ariodante, Semele, Giulio Cesare). Paris se devait de l’entendre dans ces monuments de l’art lyrique. Ainsi il y eut les versions de concert (Rinaldo ici avec Christopher Hogwood, Semele avec Diego Fasolis à la Salle Pleyel, Giulio Cesare avec William Christie à la Philharmonie) puis enfin l’épreuve de la scène où l’artiste allait pouvoir déployer tout son talent tant musical que dramatique.
En 2014, elle triomphe avenue Montaigne en incarnant une incroyable Desdemona face à l’Otello de John Odborn puis deux ans plus tard une incendiaire Norma de Bellini et enfin la magicienne Alcina en 2018 aux côtés du Ruggiero de Philippe Jaroussky.
En 2015, elle rajoute une corde à son arc en créant Les Musiciens du Prince-Monaco, un ensemble sur instruments d’époque. En résidence à l’Opéra de Monte-Carlo, cette formation à effectif variable (28 à 45 musiciens) accompagne plusieurs productions de Rossini et Haendel où elle se produit. Son histoire sur le Rocher monégasque s’est amplifiée depuis janvier 2023, date à laquelle elle a été nommée directrice de l’Opéra de Monte-Carlo. Une nouvelle ère s’ouvre désormais pour celle qui allie voix de velours et volonté de fer pour faire briller de mille feux la musique et les voix. Gageons que cette ère sera tout aussi passionnante que celle des trente dernières saisons.