5 histoires sur Maasaki Suzuki
Le chef d’orchestre Maasaki Suzuki, à la tête du Bach Collegium Japan depuis 28 ans, est un invité régulier au Théâtre des Champs-Elysées, et l’un des trois chefs les plus renommés pour la musique vocale, avec Harnoncourt et Gardiner. Pour ceux qui le connaissent moins, il peut être une énigme – un Japonais spécialiste de Bach, comment est-ce possible? (C’est d’ailleurs la question que les critiques n’ont pas manqué à soulever lorsque le Bach Collegium Japan avait sorti son premier CD). On vous raconte.
Le 1,5%
Si Maasaki Suzuki développe une telle passion pour la musique de Bach, et la musique religieuse plus généralement, c’est qu’il y a baigné depuis l’enfance: sa famille fait parti des 1,5% de chrétiens au Japon. Né en 1954 à Kobe, Maasaki Suzuki apprend le piano auprès de son père pianiste (et amateur de Chopin), puis, voulant se frayer une voie propre, le clavecin et l’orgue.
La communauté à laquelle ils appartiennent est si petite que seul Maasaki, alors âgé de 12 ans, est capable de faire sonner l’harmonium de l’église, ce qu’il fait tous les dimanches. S’en suivent les études au Japon puis aux Pays-Bas, où il étudie également la composition.
Une oasis dans le désert baroque
En 1983, Maasaki Suzuki retourne à Kobe où il enseigne à l’université. Pendant ce temps, les quelques tentatives de création d’orchestres baroques au Japon échouent une à une… Un jour, en 1990, on lui demande d’organiser un concert de musique de Bach pour l’inauguration d’une nouvelle salle à Osaka. A l’époque, il ne dispose que d’un petit chœur à Kobe et d’un chœur d’étudiants à Tokyo. Ils les réunit, demande à des amis de former un ensemble instrumental pour les accompagner… Les organisateurs lui demande quel en est le nom. Ce sera Bach Collegium Japan, pour rappeler que c’est à travers tout le pays que Suzuki avait dû chercher ses musiciens, unis par l’amour de la musique baroque. “Peu à peu, raconte-il, les musiciens japonais qui avaient étudié en Europe rentraient au pays, donc c’était une bonne opportunité pour former un ensemble. Mais au début, pour les enregistrements de CDs, je devais faire venir certains instrumentistes depuis l’Europe”.
De Bach aux bacs
L’ensemble enregistre son premier CD en 1995. 19 ans plus tard, ils achèvent l’intégrale des cantates de Bach, désormais saluée par tous les critiques. Maasaki Suzuki, de son côté, enregistre les œuvres pour clavecin et pour orgue. “L’intégrale, “cette idée selon laquelle il faut être complet, est relativement récente dans l’histoire de l’interprétation, commente Christian Merlin dans Le Figaro. Elle repose souvent sur la conviction qu’on ne maîtrise vraiment le style d’un compositeur que lorsqu’on a la vision d’ensemble sur toute sa création.” Depuis, l’ensemble s’est tourné vers d’autres compositeurs, avec le même bonheur. La messe en Ut de Mozart (que vous entendrez au TCE) est ainsi l’un de leurs grands succès de ces dernières années, également gravé sur disque.
Et Dieu dans tout ça?
Dans la préface à l’intégrale Bach, Suzuki indique: “Avec l’aide de Ses disciples, Dieu nous a laissé la Bible. Dans les mains de Bach, il a déposé la forme de cantate. C’est ainsi que notre mission est de continuer à les interpréter: nous devons transmettre le message de Dieu à travers ces œuvres”. Mais, si Suzuki est membre de la très stricte église réformée du Japon, il n’attend pas de ferveur religieuse de la part des interprètes. D’ailleurs, presque aucun n’est chrétien. Et, même si Suzuki leur résume le message transmis dans chaque œuvre, c’est bien la musique qui guide leur interprétation.
Une affaire de famille
Le Bach Collegium Japan est aujourd’hui formé avec des chanteurs et musiciens japonais, parmi lesquels le frère de Suzuki (violoncelle dans le continuo), sa femme parmi les alti dans le chœur, et son fils, qui a, comme son père, fait ses études aux Pays-Bas, au clavecin. Masato Suzuki mène également une carrière internationale de chef d’orchestre. Tel père, tel fils…