Portrait de ville : Paris par Stéphane Braunschweig
Metteur en scène de théâtre et d’opéra, le nouveau directeur du Théâtre de l’Odéon Stéphane Braunschweig est un habitué du TCE où sa mise en scène de Don Giovanni de Mozart revient en décembre. Parisien né, l’homme de théâtre jette sur la ville des Lumières un regard à la fois tendre et distancé.
Place Gambetta (où Stéphane Braunschweig dirigeait le Théâtre de la Colline), place de l’Odéon, avenue Montaigne… Est-ce qu’on parle de trois mondes différents ?
Ce qui change, ce sont les restos autour ! (rires) Les ambiances sont différentes : La Colline, c’était un quartier plus populaire, assez village. A l’Odéon, on est du côté institutionnel, mais au milieu d’un quartier qui a toute une histoire, et qui est le quartier de la vie intellectuelle, des éditeurs, des universités. Pour le coup, c’est un quartier lié à ma jeunesse : j’allais à la fac à la Sorbonne, et je n’habitais pas très loin. Quant au TCE, le quartier est un drôle d’endroit. Il y a une trentaine d’années, je le fréquentais et on allait parfois manger au Bar des Théâtres, mais déjà à l’époque, ce n’était pas vivant !
Si vous deviez comparer le public de la Colline et de l’Odéon ?
Au Théâtre de la Colline, la proportion du public qui vient de l’Est de Paris est énorme. L’Ouest parisien ne monte pas là-haut. Mais une partie du public est le même – ce sont des gens qui ont envie de voir du théâtre exigeant, du théâtre d’art. Après, à l’Odéon, il y a un public de quartier, âgé, bourgeois, mais il y a aussi environ 30% de public jeune, pas forcément de quartier. Et il ne faut pas oublier qu’avec les Ateliers Berthier dans le 17e, ce sont deux théâtres.
Paris, est-ce encore une ville lumière ?
C’est une ville de croisement incroyable, une ville-monde. Pour le théâtre aussi : il y a relativement peu de pays qui accueillent autant de spectacles étrangers. En Allemagne, il y en a très peu ! Le système allemand avec des théâtres de répertoire fait qu’ils invitent des artistes étrangers plutôt que des spectacles en version originale. A Paris, entre le Festival d’Automne, le Théâtre de la Ville, l’Odéon, La Colline, Bobigny, Nanterre, le Théâtre de la Bastille, le Théâtre de la cité internationale, Gennevilliers, Sceaux, il y en a partout ! Nous, les artistes français, on est parfois un peu jaloux parce que nos spectacles ont du mal à tourner à l’étranger où il y a peu d’endroits pour les accueillir, sauf s’il y a un grand nom à l’affiche, ou s’il s’agit d’une grande pièce du répertoire français. Ce côté « festival permanent » que nous avons à Paris, on peut nous l’envier !
Un lieu d’enfance ?
Le guignol du Luxembourg ! Et aussi, La Pagode, un cinéma qui était juste à côté du lycée Victor-Duruy où j’étudiais, et le Denfert Rochereau, un tout petit cinéma qui diffusait beaucoup de vieux films et où j’ai vu tous les Buñuel dont j’étais fanatique.
Un lieu que vous aimez aujourd’hui ?
J’aime bien Paris car c’est une ville pleine d’ambiances. J’ai habité dans le 7e, puis Porte de Clignancourt et Porte de Gentilly, mais aussi le 11e, le 20e. Aujourd’hui, j’habite le 9e près des Folies Bergères. Ce qui est important pour moi, c’est une vie de quartier.
Un son, une couleur, une odeur qui vous évoquent Paris ?
La couleur des toits d’ardoise (que l’on aperçoit du bureau de Stéphane Braunschweig au Théâtre de l’Odéon, ndlr), la sirène du premier mercredi du mois, et l’odeur des feuilles mortes des platanes en automne.
Le parisien, il vaut mieux l’avoir en journal ?
Il faut se méfier des stéréotypes, mais c’est vrai que Paris est une ville stressante. On ne s’en rend pas compte quand on est dedans, mais on le sent lorsqu’on y revient. Cela se ressent dans le métro, c’est un peu chacun pour soi, c’est une ville dure.
Qu’est-ce qui vous manque quand vous n’êtes pas à Paris ?
Les théâtres, le cinéma…
Et qu’est-ce qui vous manque quand vous y êtes ?
Le calme !
Observer les gens assis sur une terrasse de café, c’est…
Quelque chose que j’aime faire, même si, en ce moment, j’ai un peu une vie de dingue. Si je suis en terrasse dans un café, c’est pour un rendez-vous. Mais je regarde les gens dans le métro, c’est une bonne source d’observation.
Un livre ou un essai qui réussit à capter l’essence de Paris ?
Dora Bruder de Patrick Modiano.
Quelques adresses ?
(pensif) Alors, si j’avais le temps, où est-ce que je pourrais aller ? Le Luxembourg, à la fois pour mes souvenirs d’enfance et le temps que j’y ai passé avec ma fille qui est grande maintenant. Sinon, juste en face de La Colline, il y a un petit resto qui s’appelle Chez Betty : Betty est portugaise, elle cuisine bien et c’est un vrai personnage ! C’est ce qui me manque le plus maintenant que je suis à l’Odéon ! Même si j’aime bien le petit restaurant qui occupe la terrasse devant le théâtre – cette place n’est pas sur les axes touristiques, elle est toujours déserte.
Pour quelle ville quitteriez-vous Paris ?
Je me suis toujours dit « A Rome, je pourrais vivre ». Rome, ses couleurs… j’adore. Mais j’ai un tropisme italien – je suis quand même à moitié italien – une partie de ma famille, ce sont des siciliens passés par la Tunisie. Après, je ne sais pas comment on fait pour travailler à Rome !