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A la rencontre de... Nikolay Khozyainov

Nikolay Khozyainov © Marie Staggat
Nikolay Khozyainov © Marie Staggat

Portrait de Nikolay Khozyainov, jeune pianiste virtuose russe, polyglotte et profondément engagé pour la paix à l'occasion de son nouveau récital au Théâtre des Champs-Elysées. 

La musique, vocation précoce ou gène familial ?
Je n’ai pas de musiciens dans ma famille. Je suis né en Extrême-Orient russe, au bord du fleuve Amour. Il y avait un magasin de musique qui vendait des CD tout près de chez nous. Pour attirer les clients, ils passaient de la musique toute la journée : des œuvres de Tchaïkovski, Chopin, Beethoven et bien d’autres. Un jour, quand j’avais cinq ans, j’ai entendu cette musique et j’ai été immédiatement captivé par ces sons merveilleux, par le monde miraculeux de la musique. J’ai commencé à passer toutes mes journées là-bas, à écouter de la musique. Un jour, je suis allé voir ma mère et je lui ai dit : « Je veux jouer. » Mon voyage musical a commencé.
J'ai fait des progrès très rapidement et, à l’âge de 6 ans, j’ai débuté comme soliste avec l’Orchestre Philharmonique de Moscou.

Mstislav Rostropovitch - Droits réservés

 

Une rencontre décisive ?
Mstislav Rostropovitch a eu une grande influence sur moi en tant que musicien. Nous nous rencontrions souvent à Moscou, où il me donnait des leçons. J’ai beaucoup appris de lui, et il a été une figure très inspirante pour moi.

C’est grâce à Mstislav Rostropovitch que j’ai joué au Théâtre des Champs-Élysées pour la première fois quand j’avais 9 ans. Il m’a également présenté à Van Cliburn, un musicien extraordinaire qui est devenu un autre professeur important dans ma vie.

Votre premier choc musical ?
La première fois que j’ai entendu la 9e Symphonie de Beethoven, j’ai été absolument bouleversé. Cette musique m’a donné l’impression d’être quelque chose de colossal, quelque chose qui dépassait tout ce que j’avais vécu ou ressenti jusqu’à ce moment-là. Elle représentait une force universelle, une grandeur presque divine, et elle m’a profondément marqué. Cette expérience a été un véritable tournant dans ma vie musicale. J’avais 5 ans à l’époque. 

Une source d’inspiration ?
Dans tout ce que je fais, j’aime aller à la source, à l’origine des choses. En musique, je veux connaître toutes les circonstances entourant la création de l’œuvre : manuscrits, lettres, premières éditions. La source la plus importante pour moi est le manuscrit. Je les ai étudiés dans des bibliothèques et des collections privées à travers le monde.

La poésie m’inspire énormément. Elle a un lien profond avec la sonorité, et même les meilleures traductions ne peuvent rendre justice à l’original. Pour cette raison, je préfère lire la poésie en langue originale. La poésie et la musique sont étroitement liées ; il y a tellement de musique dans la poésie, et de poésie dans la musique. 

Comment décririez-vous votre métier ?
Je me sens plus libre en étant sur scène avec mon public. La scène est un lieu où toutes les barrières disparaissent, où je peux partager directement avec les gens mes émotions les plus profondes. C’est un échange unique, presque magique, où chaque concert devient une conversation entre moi, l’œuvre que je joue et le public qui m’écoute.
C’est également un plaisir très particulier de jouer mes propres compositions lors de mes concerts. 

Un rituel avant d’entrer en scène ?
Etre sur scène, pour moi, n’est pas une situation extrême. Au contraire, c’est le plus grand plaisir et l’accomplissement ultime. Je ne fais donc rien de particulier avant un concert. J’essaie le piano dans la salle de concert et je m’habille pour la soirée.

Votre répertoire de prédilection ?
J’ai une longue liste d’œuvres que j’aimerais jouer pour mon public. Mes programmes reflètent ce que j’ai le plus envie de jouer à un moment donné.
Mes programmes diffèrent en fonction du lieu, du public et de mes désirs artistiques.
Par exemple, en juin 2024, lors de mon récital au Théâtre des Champs-Élysées, j’ai joué ma transcription de trois mouvements du Sacre du Printemps de Stravinsky pour rendre hommage à ce lieu historique.
En décembre prochain, je jouerai les trois mouvements du ballet Petrouchka de Stravinsky.
Pendant le Covid, j’ai enregistré l’intégralité des œuvres de Frédéric Chopin. C’est avec grand plaisir que j’interprète également des œuvres de compositeurs français, allemands et russes. Il existe tellement de musique incroyable qu’il me semble que je me limiterais énormément si je me concentrais uniquement sur un seul type de répertoire.
J’aime beaucoup également d’introduire mes propres compositions dans mes programmes de concert. Lors de mon prochain concert au Théâtre des Champs-Élysées, je jouerai en première française ma dernière composition, Fantaisie.

Votre plus grande émotion en tant que spectateur ?
J’ai eu la chance d’assister à beaucoup de concerts très mémorables. Je n’oublierai jamais ma première fois au Théâtre Bolshoi à Moscou, quand j’avais 6 ans. J’ai pleuré, tant j’étais touché par la musique. 

Vos passions en dehors de la musique ?
J’ai un profond intérêt pour la littérature, en particulier la poésie, et j’aime la lire dans sa langue originale. Actuellement, je parle, lis, écris et donne des interviews dans 11 langues, dont 7 langues européennes ainsi que l’hébreu, l’arabe, le chinois et le japonais. Parler aux gens dans leur langue maternelle est un plaisir unique.
La langue est la clé pour comprendre la culture et la façon de penser d’un peuple. Je m’intéresse également aux langues anciennes. J’éprouve énormément de plaisir à lire d’anciens textes et manuscrits, en égyptien ancien ou en grec.

Si vous n’étiez pas musicien, vous seriez…
Dès mes 5 ans, j’ai été captivé et fasciné par la musique. Pour être sincère, je ne peux même pas m’imaginer faire autre chose dans ma vie que créer de la musique. 

Le plus belle des carrières serait…
Pour moi, c’est être toujours avec la musique et avec mon public, en partageant des moments de beauté et de paix. Je crois profondément en la puissance de la musique pour nous rassembler, au-delà de nos nationalités et de nos origines. 
C’est cette magie de la musique qui donne un sens à ma vie d’artiste.

Votre playlist idéale :
Celle du moment...

  • Frédéric Chopin – Nocturne en fa dièse majeur op. 15 n° 2 (Interprété par Sergey Rachmaninov) 
  • Igor Stravinsky – 3 mouvements du ballet Petrouchka (Dirigé par Igor Stravinsky)
  • Ludwig van Beethoven – Allegretto de la 7e Symphonie.
  • Giacomo Puccini – "Coro a bocca chiusa" de Madame Butterfly

Nikolay Khozyainov
17 décembre 2024
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