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    Vive le pianoforte !

    Des compositeurs comme Bach, Mozart, Beethoven, Chopin ou Liszt ont tous écrit pour pianoforte. De nos jours, cet instrument se fait rare dans les salles de spectacle, mais certains interprètes comme Justin Taylor lui redonnent ses lettres de noblesse, au plus près des sonorités de l’époque.

    Nos oreilles contemporaines sont tellement habituées au son moelleux et maîtrisé des pianos modernes, à leur résonance ronde et veloutée que le pianoforte est souvent oublié des programmations et méconnu du public, alors que son grain sonore mordant, son timbre franc et direct, ses basses amples et profondes créent une intimité immédiate et mériteraient qu’on lui accorde une place plus importante au concert.

    Les origines

    Avant toute chose, tordons le cou à une idée reçue très largement répandue : le clavecin n’est pas l’ancêtre du piano, pour la simple et bonne raison qu’ils appartiennent à deux familles bien différentes : le clavecin est un instrument de la famille des cordes pincées, alors que le piano fait partie de la famille des cordes frappées.


    C’est le tympanon, apparu au Moyen-Age qui fait figure d’ancêtre : sorte de cithare sur table, les cordes sont frappées à l’aide de mailloches et viendrait du santour iranien. Puis un petit instrument à clavier apparaît en Italie à la fin du XIVe siècle, appelé clavicorde ; il possède des cordes en métal et un système de percussion permet de mettre les cordes en vibration, ainsi qu’un dispositif pour étouffer les sons. L’instrumentiste peut alors varier l’intensité des notes selon la force exercée sur les touches. Sa principale limite reste cependant son manque de puissance.

    L’idée du siècle
    Bartolomeo Cristofori 1655-1731

    Né en 1655 à Padoue, Bartolomeo Cristofori est un facteur de clavecins et de clavicordes réputé, doté d’une ingéniosité et d’une inventivité rares. Il se penche sur ce problème de puissance et imagine un système de cordes frappées par de petits marteaux recouverts de peau, mus par un mécanisme directement relié à la touche, et sensibles à la force et à la vitesse de l’enfoncement. De plus, il met au point un système complexe et efficace, appelé échappement, qui permet au marteau de retomber après avoir frappé la corde pour la laisser vibrer, au lieu de rester en contact avec celle-ci. Enfin, il dispose une rangée d’étouffoirs libérant la corde à l’enfoncement de la touche et conçoit au début des années 1700 un instrument rudimentaire muni d’un mécanisme à marteaux frappant les cordes, qu’il intègre à une caisse de clavecin pour la résonance. En 1711, Scipione Maffei nomme cet instrument « gravecembalo col piano, e forte » (littéralement « clavecin avec [des nuances] douces et fortes), ce qui signifie que l’instrument peut être joué doucement ou fort : c’est l’acte de naissance du pianoforte, qui comprend l’essentiel de la mécanique du piano moderne. 

    Tout au long du XVIIIe siècle, en Italie, en Allemagne, en Autriche ou en Angleterre, des facteurs comme Johannes Zumpe, John Broadwood ou Sébastien Erard joueront un rôle décisif dans l’amélioration de ce mécanisme pour aboutir au piano moderne.

    A la recherche du son mozartien

    La fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle voient croître l’intérêt pour l’instrument de compositeurs comme Bach, Mozart, Clementi puis Beethoven, Chopin ou Liszt. De nos jours, le pianoforte se fait rare dans les salles de spectacle, mais certains interprètes comme Justin Taylor s’attachent à lui redonner ses lettres de noblesse, car il permet entre autres de se rapprocher de la façon dont furent jouées certaines œuvres au moment de leur composition.

    Découvrez le son du pianoforte ayant appartenu à Mozart, et que le compositeur a utilisé jusqu’à sa mort :

    Une terminologie déroutante

    En français, les mélomanes distinguent simplement piano de pianoforte, sans qu’il y ait ambigüité (les ouvrages anciens emploient plutôt le terme piano-forte, avec un tiret, alors que l’usage moderne tend à lier les deux termes). Un petit tour d’Europe permet de constater que les nuances sont parfois extrêmement variées et tout à fait étonnantes. 

    En italien moderne, on utilise le terme pianoforte (ou seulement piano en abrégé) pour désigner le piano moderne, mais fortepiano ou pianoforte storico (piano historique) pour indiquer les deux instruments antiques.

    En anglais, le terme pianoforte désigne le piano moderne, alors que fortepiano se réfère aux pianos anciens ; toutefois, ces deux termes étaient totalement équivalents au temps de Jane Austen.

    En allemand, on utilise le terme Hammerklavier pour le distinguer de l’instrument moderne Klavier. Hammerflügel désigne plus spécifiquement l’instrument ancien à queue.

    En russe en revanche, le piano moderne est toujours désigné par le terme fortepiano (фортепиано). On ajoute le mot « marteau » pour parler de l’instrument ancien (Молоточковое фортепиано). Attention, si vous jouez sur un piano à queue, c’est un “royal” (рояль), et si c’est un piano droit, c’est alors un “pianino” (пианино). Bien sûr, vous ne trouverez guère ces derniers sur la scène du TCE !

    Gageons que les œuvres de Mozart présentées par Justin Taylor aplaniront ces dissensions bien superficielles et permettront d’apprécier pleinement la beauté de cet instrument injustement boudé !