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Une offrande amoureuse en forme de profession de foi

Olivier Messiaen, Poèmes pour Mi

Si l’on connaît surtout Olivier Messiaen pour le corpus impressionnant qu’il consacra au piano et à l’orgue, ainsi que pour son bouleversant Quatuor pour la fin du temps et sa passion quasi obsessionnelle des chants d’oiseaux, on donne moins souvent ses œuvres vocales, toutes en délicatesse, porteuses d’un langage très personnel vécu comme un véritable acte de foi, transcendées par une matière sonore à la fois incandescente et presque ésotérique, comme dans Poèmes pour Mi.

Né à Avignon au sein d’une famille de littéraires (son père était un éminent traducteur, sa mère une poétesse renommée), Olivier Messiaen fait preuve d’un talent musical précoce. A onze ans, il entre au Conservatoire de Paris où il étudie le piano, la composition et l’orgue, qui restera son instrument de prédilection. En 1931, il devient titulaire des orgues de la Trinité à Paris, poste qu’il occupera jusqu’à son décès en 1992. L’année suivante, il épouse la violoniste Claire Delbos, avec laquelle il a déjà donné plusieurs récitals.

Olivier Messiaen et Claire Delbos le jour de leur mariage. DR

Dans l’intimité, Messiaen donne à son épouse (sa « mie ») le surnom affectueux de « Mi » (qui est, outre le nom d’une note de musique, celui de la corde la plus aiguë du violon). Le jeune couple, épris de nature, tombe sous le charme d’un petit village de l’Isère, offrant une vue idyllique sur le lac de Laffrey, enserré par les pentes verdoyantes du massif du Taillefer et les sommets calcaires de la Chartreuse : Petichet. En 1936, ils passent l’été dans la petite maison qu’ils viennent de faire construire et Messiaen y compose les neuf chants d’amour qui constituent le recueil Poèmes pour Mi. Ce sera le premier opus de toute une série de compositions qui verront le jour au sein de cette nature enchanteresse.

L’œuvre est créée à Paris le 28 avril 1937 dans sa version originale pour voix et piano (Messiaen en réalisera une version orchestrale un an plus tard), interprétée par la soprano préférée du compositeur, Marcelle Bunlet, « merveilleuse cantatrice, admirable musicienne à la voix très malléable et au registre très étendu » ; lui-même assure la partie de piano.

Marcelle Bunlet (1900-1991) en 1931. DR

Même si le recueil, partagé en deux Livres, constitue une déclaration d’amour à son épouse, les Poèmes pour Mi n’ont rien de romantique ou sentimental, mais sont plutôt imprégnés de mystère et de spiritualité, l’amour humain étant pour le compositeur inextricablement lié à l’amour de Dieu et de la nature. Au fil des neuf pièces, il loue Dieu, brosse un tableau fascinant des eaux bleutées du lac, accueille la mort de façon paisible et transcendante, et compare même l’union de deux êtres à celle du Christ et de l’Eglise. La postérité donnera un relief particulier au quatrième poème, intitulé Epouvante : Messiaen y expose une vision terrifiante de la souffrance engendrée par la perte irréversible des souvenirs, mélodie intensément poignante puisqu’une maladie mentale lui enlèvera son épouse après un long internement en 1959. Le cycle se clôt avec Prière exaucée, qui loue dans un même élan Dieu, l’amour humain et la nature.

La maison d’Olivier Messiaen à Petichet, avec vue sur le Lac de Jaffrey. DR