Un dimanche avec… Maria Agresta
Lorsque l’on voit Maria Agresta sur scène – voix puissante et suave, présence magnétique, regard foudroyant – on a du mal à imaginer qu’elle fut un jour une enfant introvertie et taciturne. Transformée par la joie que lui procurait le chant, elle a quitté le cocon de sa maison familiale dans le sud d’Italie pour une vie d’artiste qui la mène sur les plus grandes scènes lyriques du monde. A l’occasion de ses débuts parisiens dans Norma de Bellini sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, Maria Agresta lève le voile sur ses rares moments de liberté, ses goûts, ses amitiés, ses moments de solitude et ses souvenirs d’enfance.
Au saut du lit, vous…
Je parle avec ma famille, mon mari – même s’ils sont loin, on se parle au téléphone ou sur skype. Ma famille vient de la région de Campanie dans le sud d’Italie : mes parents, ma sœur et mon frère y habitent toujours, et j’ai un autre frère et une autre sœur qui vivent dans le Piémont.
Et puis j’aime faire des promenades, même si parfois c’est difficile, notamment lorsqu’il fait frais et que j’ai peur de mettre en péril un spectacle en prenant froid. J’habite à Milan – les gens pensent souvent que c’est une métropole, mais il y a beaucoup d’espaces verts, dont un très beau parc à côté de chez moi. Et quand je peux, je prends le vélo !
Une chose que vous ne faites jamais le dimanche ?
Je ne parle sûrement pas de travail, ni de chant – je cherche à déconnecter mes pensées et d’être plus au contact de la vie quotidienne.
Un rituel du dimanche
Dès que j’ai un moment de libre, j’aime cuisiner : c’est une passion depuis que je suis petite, et cela me détend beaucoup. Très souvent, après les représentations, même s’il est tard, je ne dors pas à cause de l’adrénaline de la scène, alors je me mets à cuisiner.
Une couleur, une odeur, un son ?
La couleur, le bleu intense, qui me fait penser au ciel de mon enfance : la première chose que je faisais le matin, c’était sortir sur la terrasse pour voir la couleur du ciel. Je me souviens de dimanches sereins, où l’on cuisinait le déjeuner avant d’aller se promener. L’odeur est celle, très particulière, des roses – le dimanche, on achetait toujours des fleurs. Et sinon, les senteurs de la cuisine de ma mère, je me réveillais aux effluves du déjeuner qu’elle préparait très tôt ! Pour ce qui est du son, c’est celui des cloches de l’église.
Une lecture du dimanche?
Je lis tout le temps – même si je tombe de fatigue, je ne m’endors pas sans avoir lu – peut-être pas un livre, mais un quotidien… ou un livre de cuisine. Dernièrement, j’aime beaucoup les biographies, plus que les romans. Je suis en train de lire la correspondance de Puccini… Mon travail est aussi ma grande passion, et j’aime découvrir un peu ces vies que nous n’imaginons pas – des compositeurs, des musiciens, des chanteurs… Quant à Puccini, c’est l’un des compositeurs qui me plaisent le plus, avec Verdi. Bellini a bien sûr des mélodies merveilleuses ; Verdi a su saisir notre caractère italien, très patriotique, mais Puccini réussit à me transmettre des émotions extrêmement vives, je sens sa musique dans la peau !
Le jogging: est-ce un sport ou un vêtement ?
Un sport, assurément ! Quand j’étais petite, je faisais souvent la course avec mes copines. Malheureusement, courir seule m’ennuie et me fait me sentir encore plus seule… et je ne le fais plus, même si j’aimerais en avoir le temps.
La musique du dimanche ?
Autre chose que de l’opéra : la musique des années 1980-90, que j’écoutais quand j’étais petite, ou alors des concertos pour piano : ça, ça me détend !?
La cuisine du dimanche ?
J’adore cuisiner et, en tournée, j’aime aussi découvrir les produits locaux, voir les habitudes alimentaires, comprendre quelles matières premières ils utilisent… Souvent, j’invente les recettes. En France, ce sont surtout des recettes au fromage qui me viennent à l’esprit ! Mais si l’on parle de recettes du dimanche, ce sont les biscuits de ma grand-mère, que ma mère nous faisait le dimanche ! (voir recette)
Le blues du dimanche soir ?
Souvent ! Je viens d’une famille très nombreuse, et le dimanche était le jour où l’on se retrouvait entre famille et amis. Avec ce travail, presque tous les dimanches sont faits de solitude. Et j’ai un peu de nostalgie pour ces moments un peu insouciants, qu’à l’époque nous vivions sans nous en rendre compte. Ce n’est que lorsqu’on les perd que l’on se rend compte à quel points ils nous rendaient heureux. Alors, quand cela m’arrive, j’appelle la famille, je sors pour ne pas y penser, s’il y a un collègue avec qui je m’entends bien, on va se promener ou prendre un thé… Mais ces moments sont nombreux. En dehors des productions que je fais à La Scala, je dirais que je ne passe environ qu’un mois par an à la maison !
Un souvenir d’enfance du dimanche ?
Quand j’étais toute petite, on prenait le petit-déjeuner et on allait à la messe, et dans l’après-midi, on faisait de longues promenades, ou bien on allait à la mer manger une glace. Des choses très simples, authentiques. J’ai toujours été attirée par des choses simples, des rapports sincères, loyaux avec les gens.
Dans le monde de l’opéra, on peut avoir de très belles relations entre collègues, mais le problème, c’est que c’est un peu fatiguant d’instaurer ce type de rapport avec des gens que vous ne voyez que de temps à autre. Mais j’ai des relations très belles avec certaines personnes, on se parle presque tous les jours, on se soutient dans les moments difficiles…
Un dimanche de rêve ?
Ce serait, en tournée, avoir toute ma famille avec moi – mes sœurs, mes frères, mes neveux et nièces, les faire entrer dans mon univers du moment – par exemple, ce dimanche, leur montrer le Théâtre, leur faire rencontrer les gens avec qui je travaille tous les jours… Ça, ce serait un très beau dimanche ! Je suis la seule musicienne de la famille, mais mes frères viennent m’écouter souvent. Depuis que je fais partie du monde de l’opéra, non seulement ils s’y intéressent, mais sont devenus assez sévères, ils ont leurs opinions…
Un autre dimanche de rêve serait une journée dans un bel endroit avec mon mari, que je vois très peu aussi. Mais heureusement, il aime beaucoup ma famille !
Si cette rencontre avait lieu le dimanche, où est-ce que vous m’auriez donné le rendez-vous ?
On aurait fait l’interview – si on pense à Paris – devant une bonne tasse de thé dans un café sympa. Et peut-être, on n’aurait pas été seules, j’aurais amené des amis !