Six histoires sur Sheku Kanneh-Mason
Une semaine, un violoncelle. Avant le Grand week-end violoncelle les 21-23 février 2020, nous vous présentons chaque mercredi l’un des artistes à l’honneur. Aujourd’hui, c’est le benjamin du programme, le britannique Sheku Kanneh-Mason, que nous vous faisons découvrir au détour de six histoires. Rencontre !
A venir : Truls Mork, Victor Julien-Laferrière, Alexander Kniazev et Pablo Ferrández.
1. Une famille extra(ordinaire)
Ceci n’est pas l’histoire habituelle où un parent musicien transmet l’amour de l’instrument à son enfant à l’aide des meilleurs professeurs. Si les parents de Sheku Kanneh-Mason aiment la musique, ce n’est pas du tout leur milieu. Pourtant, les 7 enfants de la famille d’un directeur commercial et d’une professeur d’université jouent d’un instrument ! Tout l’argent de la famille y passe, encore aujourd’hui.
Fait encore plus inhabituel, Kanneh-Mason fait ses études non dans un conservatoire ou auprès d’un professeur privé, mais dans une “comprehensive school” généraliste (autant vous dire, l’équivalent des cours de flûte au collège en France). *
À l’âge de dix ans, Kanneh-Mason entre à la Junior Academy de la Royal Academy of Music et, pendant les huit années qui suivent, se lève à 4h45 du matin tous les samedis pour prendre le train de 6h30 de Nottingham à Londres (en faisant ses devoir dans le train).
2. Le grand tournant
C’est à 16 ans que Kanneh-Mason fait une percée sur la scène internationale lorsqu’il remporte en 2016 le prix très convoité du Jeune musicien de l’année de la BBC. Possédant une maturité et une sérénité dont peu peuvent se targuer à son âge, il a même su garder son calme lorsque l’une des cordes de son violoncelle a claqué en plein milieu de la 1ère sonate pour violoncelle de Chostakovitch.
Il est non seulement le premier Noir à remporter ce prix, mais l’un des très rares lauréats à ne pas avoir fréquenté de conservatoire.
Dans la foulée, Kanneh-Mason enregistre son premier disque, le premier concerto pour violoncelle de Chostakovitch, qui s’est hissé au premier rang du classement US Billboard Emerging Artists devant le rappeur Lil Baby ou encore Taylor Swift (sic !).
3. Un “Royal wedding”
C’est en juin 2018, lors du mariage du Duc et de la Duchesse du Sussex, que l’étoile de Kanneh-Mason se transforme en météor. Pour le mariage princier, il interprète “Après un rêve” de Fauré, “Sicilienne” de Paradis et “Ave Maria” de Schubert, sous les yeux de la famille royale britannique dans son ensemble, de leurs invités et… d’un public télévisé de 1,9 milliard de personnes : environ un quart de la population de la Terre.
S’il est conscient de ce coup de chance inouï, il garde la tête sur les épaules et se dit avant tout fier d’avoir porté la musique classique au-delà de son public habituel !
4. Rostropovitch avec une pincée de Bob Marley
Car, au-delà du son profond et soyeux de son Amati de 1610, c’est finalement ses incursions dans la musique pop qui font le plus parler de cet interprète millenial qui voue une admiration égale à Jacqueline du Pré, Mstislav Rostropovitch et… Bob Marley.
Pour la jeune génération, il est presque autant connu pour ses versions de « No woman no cry » ou de « Halleluja » de Leonard Cohen que pour son dernier enregistrement du légendaire concerto pour violoncelle d’Elgar.
Pour trouver de nouvelles couleurs à son instrument, Kanneh-Mason improvise au début et à la fin de chaque séance de travail. « Cela m’aide à apprendre à connaître le violoncelle et à découvrir ce qui est possible, de manière libre. »
5. Un jeune homme engagé
Kanneh-Mason a deux causes qui lui tiennent à cœur, les deux liées à l’accès à la musique classique. D’abord, la représentation des minorités ethniques et des musiciens noirs dans la musique classique. Loin de tout militantisme outrancier, son idée est surtout de donner envie de pratiquer un instrument à ceux qui ne se reconnaissent pas dans les interprètes actuels.
« Je pense que si vous êtes un jeune noir, par exemple, vous pourriez avoir du mal à vous imaginer en musicien classique si vous n’avez jamais vu quelqu’un qui vous ressemble en faire. Ce n’est évidemment pas la faute du monde de la musique classique : Je ne connais pas un seul musicien qui donnerait à un musicien noir moins de chances de progresser dans la musique classique. Il s’agit plutôt d’avoir une inspiration, un modèle, pour s’y lancer ».
Sheku Kanneh-Mason et sa famille sont également très impliqués dans le développement de l’éducation musicale au Royaume-Uni. Suite aux différentes coupes budgétaires, son accès est aujourd’hui de plus en plus difficile (les droits d’inscription à l’école où a étudié Kanneh-Mason ont ainsi augmenté de 200% en quelques années). Le violoncelliste a récemment fait un don important à son école à Nottingham pour permettre aux leçons de musique de continuer.
6. Un ado dandy
Teenager encore l’année dernière (il a aujourd’hui 20 ans et est encore étudiant à la Royal Academy of Music), Sheku Kanneh-Mason est presque comme tout le monde. Il a une bande de copains, joue au football tous les dimanches, boit du thé au lait le matin (il est Gallois, après tout) et adore le plantain frit.
Pour les vêtements, c’est autre chose… Lorsque Paul Smith (qui adore la musique classique et vient souvent à ses concerts) le découvre, il lui propose de se rencontrer et de travailler ensemble. « Il a découvert que je suis de Nottingham, d’où il vient. C’est une belle relation ». C’est ses vêtements que le musicien porte pour les représentations importantes et les nombreux shootings photo pour ses interviews.
Mais c’est bien en jean et baskets qu’il pose sur la couverture de son dernier album.
Rendez-vous en février !
* une “comprehensive school” est une école secondaire générale qui ne fait aucune sélection à l’entrée, contrairement aux plus sélectives “grammar schools”