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Le spectacle est dans les coulisses

Avec Emin Sghaier, machiniste

 

Qu’est-ce que le métier de machiniste ?

Les machinistes font partie du service technique, les gens de l’ombre sans qui il n’y aurait pas de spectacle. Concrètement en tant que machiniste, on décharge le décor du camion (parfois plusieurs tonnes), on le déplace au plateau, on le monte, on le manipule, on le démonte et on le recharge dans le camion. Notre leitmotiv « faire et défaire ». 
C’est un métier dangereux aussi bien envers soi qu’envers les autres, il faut faire très attention car on peut facilement blesser avec des machines coupantes ou un élément lourd. Métier qui demande une grande vigilance mais aussi une force physique, pratique car pas besoin de faire de sport après le travail !
Quand j’interviens sur scène pendant la représentation, on appelle cela un feu. Si je suis costumé, on appellera alors ça un « feu costumé ». Il arrive que je sois également maquillé, ce sera alors un « feu costumé maquillé ».

 

Depuis combien de temps travailles-tu au Théâtre des Champs-Elysées ?

Cela fait 5 ans que je suis au TCE, je l’ai intégré en faisant un stage en machinerie à 19 ans. Je me suis tout de suite bien entendu avec l’équipe. J’ai toqué à la porte à la fin de mon stage et j’ai eu mon premier contrat d’intermittent !  Mon premier spectacle au TCE était les Ballets du Canada. Et ma première paye au TCE m’a permis d’acheter mon premier instrument, une Kora qui vient directement du Burkina Faso. 
En tant qu’intermittents, nous bougeons beaucoup au début de notre carrière sur pleins de lieux différents avec des périodes très courtes puis heureusement, les périodes se rallongent progressivement. Aujourd’hui j’ai choisi mes deux maisons, l’Opéra Comique et le Théâtre des Champs-Elysées.

 

Avec qui travailles-tu au quotidien ?

Je suis en lien avec les électriciens (les personnes travaillant à la lumière) et les sondiers (ceux travaillant le son). La machinerie, le son et la lumière forment le triptyque du spectacle.
Il me semble important de mentionner que la machinerie est un travail d’équipe. Il est solidaire par essence car on ne peut rien faire tout seul. Nous sommes environ une vingtaine de machinistes pour une production d’opéra. On trouve ensemble des solutions à tous les problèmes, on n’a pas le choix.

 

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

Être quotidiennement entouré d’artistes, d’un pianiste, d’une soprano alors que je n’ai qu’un bac en poche, c’est magique, un rêve éveillé ! 

J’ai aussi la chance de découvrir sans cesse de nouveaux artistes, nouvelles musiques, nouvelles mises en scène… Je me souviens de Nefès  de Pina Bausch. Pendant la pause, tandis que tous les techniciens étaient dans la cour, je restais tout seul dans les coulisses pour ne pas perdre une miette du ballet. C’était magique ! Après ce ballet qui m’a fait aussi bien découvrir la danse contemporaine que la musique turque des Balkans, je me suis directement acheté un instrument turc. 

 

Ton pêché mignon au Théâtre

J’aime jouer sur le piano Steinway installé sur la scène, devant la salle vide du Théâtre, avant que l’accordeur n’arrive bien sûr ! Le comble du bonheur…

 

Ton amour de la musique…

J’ai été très tôt éveillé à la musique de tous les bords. Ma mère me passait une K7 d’opéra « L’opéra imaginaire », j’ai donc écouté tout petit Pavarotti, Lakmé… Mon père me faisait quant à lui écouter les traditionnels tunisiens. 

 

 

Quand tu n’es pas au Théâtre…

J’aime explorer la Musique de tous les pays à travers les instruments et en parler à travers ma chaîne. C’est un sujet tellement vaste… Inépuisable !

Il y a aujourd’hui peu de chaînes de vulgarisation de la musique. L’idée est d’amener les gens à s’intéresser au sujet il faut donc que la forme soit jeune et dynamique. J’aime travailler sur la vulgarisation des instruments méconnus avec des vidéos qui se transforment en modes d’emploi. 

Dans cette optique, j’ai lancé ma chaîne youtube « L’Instrumentiste » il y a trois ans. Depuis 1 an demi, je produis une vidéo par semaine. Une interview vidéo nécessite environ quarante heures de montage. Je suis récompensé car depuis 6 mois le nombre d’abonnés a augmenté de façon exponentielle (actuellement 1840 abonnés). Concernant le public, je dirai qu’au moins 70% a entre 25 ans et 34 ans. C’est un contenu pas seulement ludique mais qui permet d’apprendre des choses et d’être dans une position active et non passive.

L’œuvre que tu conseillerais

L’œuvre que je conseillerais d’écouter est le duo de Ballaké Sissoko à la kora et Vincent Segal au violoncelle. Ce morceau lie la musique traditionnelle africaine et musique classique occidentale.

 

Ta perception du Cercle des Mécènes…

Nous techniciens donnons, avec les artistes, le spectacle au public et mécènes. Les Mécènes permettent qu’on le fasse dans de meilleures conditions. Avec plus de confort, on peut leur donner plus ! C’est un travail d’équipe !