Lauréats du concours Chopin : que sont-ils devenus ?
Les concours de piano, ce sont un peu les JO de la musique : ils tiennent le public de la musique classique en haleine, et, lorsqu’un compatriote gagne, les cocoricos fusent ! Parmi les plus grands concours, celui de Chopin est l’un des plus connus. On retrace le parcours des autres lauréats, célèbres ou oubliés.
Le concours Chopin : qui sont les juges et qu’y gagne-t-on ?
Le concours Chopin est le 2ème prix le mieux doté au monde après celui de Cleveland (30 000€ pour le 1er prix). Mais, pour beaucoup de participants, c’est surtout l’occasion de se faire repérer par le public qui suit les épreuves du concours retransmises sur Internet, par les médias, les agents et les directeurs de festivals et salles de concert qui piochent souvent là des artistes pour leur prochaines éditions.
Le jury est composé non seulement de professeurs et critiques de piano, comme c’est le cas, par exemple, du concours Tchaïkovski, mais aussi de pianistes (notamment Martha Argerich ou encore Nelson Freire, lors de l’édition 2010 dont le jury était principalement composé de pianistes).
Particularité : plutôt que de récompenser le jeu d’un pianiste, le concours se concentre sur la fidélité à l’âme de Chopin. Le concours a été fondé dans les années 1920 pour promouvoir un style d’interprétation « authentique », les fondateurs jugeant que, au fil des ans, le style avait été perdu sous des couches successives de libertés et exagérations personnelles des pianistes. Les éliminatoires et programmes imposés ne comportent d’ailleurs que des œuvres du compositeur polonais.
Difficulté particulière : éviter de se faire étiqueter ! De nombreux pianistes, brillantissimes dans Chopin, peinent par la suite à atteindre la même renommée dans un autre répertoire, au risque de devoir interpréter jusqu’au restant de leurs jours le 1er concerto pour piano de Chopin avec tous les orchestres du monde.
Qui sont les lauréats les plus connus du Concours Chopin ?
Avec le recul, les années 1960-70 semblent être l’âge d’or du Concours : on a ainsi, l’un après l’autre, Maurizio Pollini (1960, 1er prix) et Martha Argerich (1965, 1er prix), Mitsuko Uchida (1970, 2e prix) et Krystian Zimerman (1er prix, 1975).
Les éditions ultérieures ont connu, elles aussi, des coups d’éclat, notamment avec la victoire de Rafał Blechacz en 2005, à qui le jury a décerné le premier prix, les quatre prix spéciaux d’interprétation ainsi que le prix du public, et a choisi de ne pas décerner de 2e prix pour mieux marquer l’écart avec les autres candidats.
Cas encore plus intéressant, les « perdants – gagnants » ! En 1980, Ivo Pogorelich a raté, de près, d’être en finale (plusieurs membres du jury, dont Martha Argerich, sont allés jusqu’à claquer la porte du concours lorsqu’il fut éliminé). Cette année-là, grande première, le vietnamien Dang Thai Son, étudiant au conservatoire de Moscou, a été le premier pianiste asiatique à remporter le concours Chopin. Il partage sa carrière entre des tournées de récitals et l’enseignement (il est notamment le professeur de deux lauréats du prix Chopin, Bruce Liu et GG Bui).
Pogorelich a fini par obtenir le prix de la critique, une mention, un contrat de Deutsche Grammophon, et une carrière lancée en fanfare. Quant à Daniil Trifonov qui, sans grande controverse, n’est arrivé que 3e lors de l’édition 2010, derrière deux pianistes sur lesquels s’écharpe le jury, il est aujourd’hui l’un des lauréats du concours qui connaît la carrière la plus médiatique, tant sur scène qu’au disque. Les hasards des concours !
Pourquoi n’entend-on plus parler de certains lauréats ?
Eh bien… ce ne sont pas des erreurs du jury, mais peut-être bien des choix de carrière et des affaires de caractère ! Plusieurs anciens prix Chopin se partagent aujourd’hui entre l’enseignement et une carrière de pianiste moins médiatique, comme Alexander Korbin (3e prix, 2000), qui enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis, Stanislav Bunin (1er prix en 1985, qui a passé la décennie qui a suivi son 1er prix à enseigner au Japon, où il réside actuellement), ou Kevin Kenner (2e prix en 1990, Royal College of Music à Londres).
Qui sont les derniers gagnants du concours Chopin ?
2015 – Seong-Jin Cho
Le public européen n’aurait peut-être jamais connu Seong-Jin Cho s’il n’avait pas été révélé par le concours Chopin en 2015, élu par un jury composé notamment de Martha Argerich, Philippe Entremont ou encore Nelson Goerner. A l’époque, il a 21 ans, mais est déjà précédé par une aura de vainqueur : 3e prix au concours Tchaïkovsky et au concours Rubinstein à 17 ans, et 1er prix au Concours international Chopin pour jeunes pianistes à… 14 ans !
Plus important encore, Seong-Jin Cho évite très rapidement l’écueil du répertoire chopinien et enregistre les concertos pour piano et sonates de Mozart, ainsi que les préludes de Debussy, avec un pareil bonheur. Après avoir fait ses débuts au TCE dans le concerto pour piano n°1 de Rachmaninov, Seong-Jin Cho est revenu au Théâtre (Ravel, Liszt et Chopin, bien sûr !).
2021 – Bruce Liu (Xiaoyu)
Edition très spéciale du concours Chopin (décalé en 2020 pour cause de pandémie), et gagnée haut la main par Bruce Liu (Xiaoyu), jeune pianiste québécois d’origine chinoise dont vous pouvez découvrir le portrait ici, et sur scène le 3 février 2024. Auparavant, la seule fois où le concours avait été décalé fut pendant la Seconde guerre mondiale (l’édition de 1942 n’ayant finalement eu lieu qu’en 1949).
Quel pianiste écouter dans Chopin ?
Pour l’un des gagnants du concours Chopin, le compositeur polonais est une affaire de cœur : Yundi Li (1er prix au concours Chopin, 2010). S’il fait également des incursions chez Liszt et Beethoven, il retrouve Chopin avec un plaisir non dissimulé en récital, du Royal Festival Hall à Londres au Carnegie Hall à New York, et a une fanbase qui n’est pas sans rappeler son compatriote et contemporain Lang Lang. Quant au dernier gagnant, Bruce Liu, Deutsche Grammophon a sorti en disque les œuvres de Chopin qu’il a jouées lors de la dernière édition Chopin. A découvrir donc !
- nous avons choisi de présenter ici les artistes les plus connus du public français, ainsi que les lauréats les plus récents. D’autres pianistes, comme Garrick Ohlsson (1er prix, 1970), ont également eu une carrière importante, qui les a menés sur d’autres continents
Article mis à jour le 07/05/2024