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Dang Thai Son, le secret le mieux gardé du monde du piano

Personnage bien connu des pianistes, Dang Thai Son – rarissime en récital en France – se cache derrière la moitié des lauréats des derniers concours Chopin, dont il a été le premier vainqueur asiatique en 1980. Son élève Bruce Liu en a gagné la dernière édition en 2021. Découverte !

Pianiste en herbe pendant la guerre du Vietnam

Né au Vietnam, Dang Thai Son est le cadet d’une fratrie de trois. Il grandit avec l’exemple de ses frère et sœur qui jouent du piano et du violoncelle. Ses parents tentent de le dissuader d’apprendre la musique : “Trop de bruit à la maison !” Mais à cinq ans, Dang Thai Son insiste pour commencer à étudier le piano avec sa mère, Thai Thi Lien, cofondatrice de ce qui est aujourd’hui connu sous le nom d’Académie nationale de musique du Vietnam.

Il a sept ans lorsque éclate la guerre du Vietnam. Sa famille est évacuée à la campagne, dans un village reculé où Dang Thai Son joue sur des pianos délabrés sauvés de l’école de sa mère à Hanoï ; ses classes se déroulent dans des abris antiaériens sous une pluie de bombes des avions de guerre américains… mais en sortant, il admire le clair de lune… “Pas quelque chose dont on peut bénéficier en ville !“, s’exclame-t-il, trouvant dans ces moments la source de son émotion en tant que pianiste. Il ne quittera ce village qu’à l’âge de 15 ans.

Dang Thai Son : les études à Moscou

Un an après la fin de la guerre, il fait la rencontre du pianiste soviétique Isaac Katz, également doyen du département du piano au Conservatoire de Moscou, qui vient donner des masterclasses à Hanoï. Katz décide de le faire venir à Moscou : le talent du jeune homme, mais aussi le fait que son père est un dissident vietnamien ayant passé des années en prison pour ses opinions politiques, plaident en sa faveur.

Dang Thai Son arrive à Moscou en 1977, ne parlant pas un mot de russe. Au Conservatoire, il étudie avec Vladimir Natanson et Dmitri Bashkirov, mais suit également tous les autres cours, dont le russe, les bases du marxisme-léninisme (mention très bien !) et l’harmonie, dont sa professeur dit qu’il pourrait l’enseigner à son tour sans problèmes.

Dang Thai Son et le professeur V.Natanson à Moscou, dans les années 1980
 Le professeur V.A. Natason et Dang Thai Son, à Moscow, dans les années 1980s. DR : VNP

C’est sans doute Natanson qui a eu le plus d’influence sur son jeu. “Nous étions très semblables“, raconte Dang Thai Son. “Des romantiques“. C’est avec Natanson qu’il travaille le répertoire romantique, dont Chopin. A l’époque, il a à peine 22 ans, et ne songe pas réellement participer au concours Chopin. Il passe néanmoins les auditions de sélection du Conservatoire, pour pouvoir se comparer aux autres. Miracle : il est sélectionné ! “Avant cela, les vietnamiens étaient vus un peu comme des sauvages venant de la jungle. Et tout à coup : un vietnamien sait jouer du Chopin !

Concours Chopin, une victoire inespérée de Dang Thai Son

Dang Thai Son accueilli à l'aéroport de retour au Vietnam après sa victoire au concours Chopin en 1980
Dang Thai Son accueilli à l’aéroport lors de son retour au Vietnam après sa victoire au concours Chopin en 1980.
De gauche à droite : sa mère Thai Thi Lien, l’ambassadeur de la Pologne à Hanoï Jan Sliwinski, Dang Thai Son et le Ministre de la Culture du Vietnam Nguyen Van Hieu. DR VNP

En 1980, Dang Thai Son participe donc au concours Chopin, sans grand espoir tant les autres candidats sont plus expérimentés que lui. Mais il remporte non seulement la victoire, mais également tous les prix spéciaux. Les journaux vantent son talent phénoménal, sa capacité à faire chanter le piano.

En vidéo : Dang Thai Son au Concours Chopin, 1980 :

Pianiste en récital et professeur par vocation

Après la victoire au concours Chopin, Dang Thai Son retourne à Moscou, humblement, pour terminer ses études. Depuis, il s’est produit avec pratiquement tous les grands orchestres d’Europe et aux côtés de Yo-Yo Ma, Mstislav Rostropovich, Pinchas Zukerman et d’autres musiciens de légende. Il se produit toujours en récital dans les plus grandes salles de concert au monde.

Il consacre néanmoins le plus clair de son temps à l’enseignement (au conservatoire Oberlin, à Montréal). En près d’un siècle d’existence du concours Chopin, Dang est le seul lauréat à avoir guidé un autre pianiste vers la victoire. Il est aussi apparemment le seul dont autant d’élèves ont été sélectionnés pour participer au concours. Il est régulièrement assailli par des parents rêvant que leur progéniture bénéficie de ses conseils… mais souvent, c’est plutôt lui qui choisit ses élèves !

Dang Thai Son reste conscient des critiques, souvent justifiées, du “jeu asiatique” : “Les qualités des pianistes asiatiques sont leur sensibilité, leur détermination, leur travail acharné, leur ouverture d’esprit, leur flexibilité. Le bémol… c’est que le sens de leur jeu n’est parfois pas clair, limité par le développement de leur personnalité. Au lieu de cela, il y a un mélange de technique et de son agréable“. Avec ses élèves, il travaille sur une meilleure compréhension de l’âme et de la culture européenne, de ses références, mais aussi du sens et des émotions derrière chaque phrase musicale.

Il ne faut cependant pas imaginer l’enseignement de Dang Thai Son comme une machine de guerre chopiniste. D’ailleurs, avec Bruce Liu, il n’a abordé Chopin qu’à la toute fin de ses études, consacrant le reste du temps au répertoire russe et à la musique française, qu’ils mettront justement en valeur lors de leur prochain récital au Théâtre des Champs-Elysées.

Dang Thai Son en récital :

 

* Citations de Dang Thai Son d’après l’article de Zheng Lisha, 2019, “Le crédo créatif du pianiste vietnamien Dang Thai Son”.