Ariane à Paris
Gabriel Astruc ambitionnait de faire de « son » Théâtre des Champs Elysées le confluent de tous les arts, le temple de l’opéra et de la danse, qu’on y ajoute sa passion de la création. Et l’époque s’y prêtait. Opéra, musique, théâtre, danse, la nouveauté était alors signée Claude Debussy et Richard Strauss. Astruc les choisit pour parrain, pour faire connaître leurs œuvres et, par la qualité d’interprétation s’y ajoutant, les imposer ; les faire aimer, désirer. Cette chimère magnifique de directeur de théâtre, Astruc l’a vécue. Ouvert en avril 1913 dans l’enthousiasme et l’euphorie de tous, avec Benvenuto Cellini et Le Freischütz, suivis de la création parisienne de la Pénélope de Fauré, déjà le Théâtre annonçait la suite : tout Wagner dès que possible et, dès l’automne deux œuvres nouvelles de Richard Strauss, Der Rosenkavalier et Elektra.
C’est à Astruc que Strauss devait déjà son premier triomphe parisien en opéra. C’est pour pouvoir y monter Salomé sous la direction du compositeur lui-même qu’en 1907 il avait loué le Châtelet. L’Opéra reprit l’œuvre en traduction française, et des Salomé aussi diverses, mais aussi stars que Mary Garden et Maria Kousnezoff lui assuraient mieux qu’un succès d’élite : la popularité, jamais démentie. Mais Astruc avait vu trop grand. C’est à sa saison 1913-1914 tout entière qu’il dut renoncer.
La guerre suivit. Le Théâtre des Champs-Elysées certes ne sera pas fermé à l’opéra et au ballet, mais plus jamais un visionnaire ne sera là avec un tel flair artiste pour en faire le lieu parisien naturel de la modernité chic. Quant à Strauss… Il fallut attendre que soient apaisés les bruits de la guerre, mais que de temps cela devait prendre ! Rosenkavalier ne sera enfin représenté qu’en 1926 à Monte-Carlo puis à l’Opéra Garnier. Elektra en 1932 seulement, à l’Opéra, et toutes deux en français.
Ariadne auf Naxos dut attendre 1937 pour apparaître elle… avenue Montaigne dans le cadre de la « Semaine Artistique Allemande » organisée à l’occasion de l’Exposition Internationale de Paris, sous la direction de Clemens Krauss, le chef même en qui Strauss mettait toute sa confiance, et qui lui écrira le libretto de Capriccio. Ariadne, vieille à présent de vingt-cinq ans mais dont la première, ainsi, même longtemps différée, n’aurait pas été sans solennité. Avec Viorica Ursueac (créatrice d’Arabella, bientôt de Friedenstag et de Capricccio) en Ariadne, Helge Rosvaenge en Bacchus et Erna Berger en Zerbinetta.
Strauss était servi au sommet et Astruc avait presque sa revanche…
Pour en savoir plus
Le récit par le musicologue André Tubeuf (auteur de ce texte) de la place de Richard Strauss en France de l’aube du XXe siècle à nos jours. De la création française de Salomé en 1907 au Châtelet, Rosenkavalier et Elektra à l’Opéra jusqu’à Ariadne auf Naxos en 1937 au Théâtre des Champs-Elysées en 1937, complété de portraits de quelques-unes des plus belles voix straussiennes entendues à Paris (Germaine Lubin, Élisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Renée Fleming, Sophie Koch, Anja Harteros…)
Préface de Renée Fleming et Sophie Koch
60 pages – 10 €
En vente aux caisses du Théâtre et sur le site